Transition


Sixième extinction, effondrement écologique, changements climatiques, catastrophes en série...

Où va-t-on ? Les expressions qui gravitent autour de l'écologie sont toujours controversées et soumises à interprétations. L'écologie scientifique n'est pas l'écologie politique, l'écologie profonde n'a rien à voir avec l'écodéveloppement, le développement durable a porté son cortège de débats, et dans cette histoire des idées la transition écologique n'échappe ni aux grands discours ni aux critiques.
J'ai beaucoup hésité à utiliser l'expression "transition écologique".  En quelques mots, j'ai pris acte de son occurrence, de sa notoriété actuelle, et sans adhérer au consensus je l'emprunte en tant que porte d'entrée. La porte ouvre la discussion et donne le champ libre à l'action, mais ne définit rien du contenu et la question demeure : quelle transition écologique ?
Transition écologique est synonyme de mouvement vers l'écologie. L'orientation est ainsi vaguement donnée, les interprétations se multiplient. Cela devient un sujet sociétal comme un autre, que l'on traite en surface, et chacun y va de son interprétation.
S'il y a mouvement [vers l'écologie], il est utile de se rappeler qu'il ne devrait pas nous éloigner davantage de notre nature [vers un progrès, une technologie, un plus, un futur]. Nous sommes par nature dans l'écologie, et tout ce qui nous coupe de la nature, n'est pas écologique. Idéalement, la transition devrait donc nous faire revenir à ce que nous sommes profondément.

Si l'on comprend sa place dans la coévolution des êtres vivants, comment peut-on envisager de hiérarchiser le vivant, ou d'adopter une vision anthropocentrée utilitariste ?

Comment y va-t-on ? Notre bain culturel [cloisonnement, délégation, hyperspécialisation, amélioration continue, etc.] facilite la diffusion et la commercialisation massive de l'idée de progrès comme horizon. L'injonction est forte dès le plus jeune âge, on doit croire au progrès, faire des progrès. Rien dans la nature ne suit ce principe. Ce n'est pas un principe écologique, contrairement à la coévolution, qui embrasse l'ensemble du vivant [où tout est interdépendant] dans un mouvement de vie, dans le présent. Une majorité d'occidentaux consomme le progrès et se soumet aux indicateurs vers toujours plus d'accumulation, de concentration, d'inégalités, d'insatisfaction. Dans ces conditions, la transition écologique est souvent présentée comme un progrès et un effort de plus à faire. Les petits pas nous invitent à une série d'écogestes, niveau par niveau, dans une douce continuité, sans rien bouleverser, sans remise en question. Cela fait bon ménage avec notre système global de management, notre inertie, notre flemme aussi, le prolongement d'affaires et d'habitudes. Le logiciel est bien installé. Tant de gens ne font que regarder, parfois avec une sincère compassion, vers les jeunes générations, en espérant qu'ils se dépatouilleront.

Certes, il faut y aller chacun à son rythme, chacun selon ses moyens. Serait-ce trop demander, d'y aller avec sincérité ?

Une cellule qui ignore son organisme dégénère et/ou altère l'harmonie. Il n'est pas question d'être meilleur demain, ou de gagner en performance environnementale. Il s'agit concrètement d'identifier au présent, tout ce qui représente une pollution [cela peut-être une idée, un comportement, un objet], d'évaluer avec sincérité notre degré de dépendance, et de s'en détacher si possible. Il n'y a ni comparaison, ni compétition à faire. La transition écologique ne devrait imposer rien d'autre qu'un travail sincère sur soi-même. Sans remettre à plus tard, nous devrions être responsables de ce qui est dans nos mains et avoir confiance en la vie.

Intime et universel ? On peut toujours évaluer, s'autoévaluer, se donner des objectifs chiffrés et réalisables. On peut toujours coconstruire des actions collectives, et opérer des changements d'échelles. En définitive, aucun collectif ne tient dans le temps si ses membres ne travaillent pas d'abord sur eux-mêmes. Et cette expérience individuelle, libre, idéalement sans but, n'est peut-être qu'une recherche de dignité.
Quand on s'adresse à l'autre, à un collectif, les petits pas sont une politesse, une manière de laisser des options, du temps.
Les transitions individuelles, profondes et intimes, et les transitions collectives doivent coévoluer et nourrir la vie, pour l'empreinte écologique légère d'un être, pour une communauté humaine en paix avec l'univers.